Avec l’encadrement des loyers, l’investissement locatif est-il encore rentable ? Faut-il privilégier les petites ou grandes surfaces ? Éléments de réponse.
Dans le contexte du renforcement de l’encadrement des loyers instauré par la loi Alur, l’investissement locatif cherche ses marques. Chacun pressent bien que les plafonds qui encadrent dorénavant le loyer de référence vont impacter la profitabilité de l’investissement locatif. Oui, mais de quelle façon ?
Et quel bien faut il privilégier pour limiter les effets de cette nouvelle donne ? C’est dans cette perspective que cet article investigue à travers des cas concrets, la profitabilité locative en fonction des surfaces et des secteurs encadrés.
– Article enrichi et actualisé au 8 décembre 2016 – Il incorpore notamment (a) les derniers plafonds officiels publiés en juin dernier pour Paris. (b) la comparaison de 2 secteurs géographiques distincts à Paris (vs 1).
Comparer les rentabilités locatives en zone tendue.
Notre objectif est de mieux comprendre, à partir de vrais chiffres, l’impact de l’encadrement des loyers sur les rendements d’un bien en location. Et si possible d’en tirer une orientation sur le type de bien à acquérir pour maximiser le rendement de notre investissement locatif.
Pour ce faire, nous avons pris 4 exemples concrets d’un bien à louer dans 3 zones dites « tendues » dont nous comparerons le rendement locatif brut.
Le rendement locatif brut est calculé selon la formule : Loyer annuel hors charge/Prix d’achat du bien (exprimé en %). Le rendement est dit brut car il néglige volontairement certains coûts. Sur les options méthodologiques retenues, voir la note méthodologique en fin d’article.
Les exemples de Paris, Annecy et Nantes.
Nous avons retenu l’investissement dans un appartement à louer dans 4 secteurs géographiques issus de 3 villes différentes classées en « zones tendues », à savoir :
- un T2 de 40 m² à Paris – 18ième arrondissement – quartier de la Chapelle
- un T2 de 40 m² à Paris – 18ième arrondissement – quartier des Grandes Carrières
- un T3 de 60 m² à Annecy (74),
- et un T4 de 70 m² à Nantes (44).
Afin d’établir notre comparatif nous évaluerons successivement pour chaque secteur
- Le prix d’achat de l’appartement
- Le montant des loyers de référence ou médians, avec leurs valeurs majorées ou minorées
- Le rendement locatif brut par comparaison du loyer annuel et du prix d’achat.
Prix d’achat de l’appartement.
Nous avons calculé les prix d’achats sur ces différentes villes en prenant les prix d’achat moyens au m² donnés au 1er décembre 2016 par le site meilleursagents.com
Prix d’achat d’un appartement 2 pièces sur Paris 18ème
Voici en image les prix de marché en €/m²
Ces chiffres appellent les commentaires suivants :
- Sur l’ensemble de l’arrondissement, le prix au m² moyen oscille dans une fourchette qui va du simple (4 908 €/m² moyenne basse) au double (9 496 €/m².), avec une moyenne bien centrée à 7 275 €/m².
- Cet arrondissement est découpé en 4 secteurs géographiques distincts pour l’application de l’encadrement des loyers. Selon la zone considérée on peut descendre à 4355 €/m² (quartier Chapelle) pour la fourchette basse et monter à 9 897 €/m²pour la fourchette haute (quartier Grandes Carrières).
- Compte tenu de cet écart important de prix (20 à 40%) entre ces 2 secteurs, nous avons choisi d’intégrer un scénario d’acquisition/location pour chacun d’eux.
En conséquence, le prix d’achat estimé d’un T2 de 40 m²sur Paris 18ième variera
- pour le secteur Chapelle donc entre 174 200 € et 281 120 € suivant l’emplacement retenu.
- pour le secteur Grandes Carrières entre 211 880 € et 395 880 € suivant l’emplacement retenu.
Prix d’achat d’un appartement 3 pièces sur Annecy
Voici en image les prix de marché en €/m²
Quelques mots sur ces valeurs :
Sur l’ensemble de l’arrondissement, le prix au m² moyen oscille dans une fourchette qui va du simple (2 739 €/m² moyenne basse) au double (5 478 €/m²), avec une moyenne à 3 652 €/m².
Selon le quartier ou la rue, on peut descendre à 1 869 €/m² (quartier sud) pour la fourchette basse et monter à 6 150 €/m² (Parmelan) pour la fourchette haute, soit une variation du simple au triple.
Faute d’un découpage en secteurs de référence défini par arrêté préfectoral, nous resterons au niveau de la communauté d’agglomération d’Annecy.
En conséquence, le prix d’achat estimé d’un T3 de 60 m² à Annecy variera donc entre 112 140 € et 369 000 € suivant l’emplacement retenu.
Prix d’achat d’un appartement 4 pièces sur Nantes
Voici en image les prix de marché en €/m²
Outre un prix moyen très différent, on observe à Nantes comme à Annecy ici des écarts très importants :
- Sur l’ensemble de l’arrondissement, le prix au m² moyen oscille dans une fourchette qui va du simple (1 959 €/m² moyenne basse) au double (3 918 €/m²), avec une moyenne à 2 612 €/m².
- Selon le quartier ou la rue, on peut descendre à 1 370 €/m² pour la fourchette basse et monter à 4 059 €/m²pour la fourchette haute, soit une variation du simple au triple.
- Faute d’un découpage en secteurs de référence défini par arrêté préfectoral, nous resterons au niveau de la Nantes métropole.
En conséquence, le prix d’achat estimé d’un T4 de 70 m² à Nantes variera donc entre 95 900 € et 284 130 € suivant l’emplacement retenu.
loyers d’appartement : loyers médians et loyers de référence majorés ou minorés.
Voici en image les loyers médians ou assimilés, en €/m² (voir note méthodologique en fin d’article)
Calcul du rendement brut de l’investissement locatif
Nous avons estimé le rendement locatif brut (loyer annuel divisé par le prix du bien). Bien évidemment le rendement réel est inférieur à ce rendement (frais de gestion, d’entretien, impôt et taxes diverses), mais pour effectuer cette comparaison, c’est suffisant à ce stade.
Alors, quel est le meilleur investissement locatif ?
Alors que déduire de ce beau tableau comparatif en matière d’investissement locatif ?
Investir dans des biens pas chers.. ?
Le constat est le suivant :
- Dans 3 cas sur 4 l’investisseur locatif obtient le meilleur rendement brut dans un appartement d’entrée de gamme, le quartier Chapelle du 18ème arrondissement étant la seule exception avec de plus un écart limité (voir commentaire en infra).
- Et dans 2 cas sur 4 l’investissement dans un appartement pas cher peut être 2 fois plus rentable que celui dans un appartement de standing.
Il semble donc qu’ avec le plafonnement des loyers, il soit plus rentable d’investir dans les biens d’entrée de gamme.
En effet, d’une part, si vous investissez dans un bien haut de gamme, vous le payez plus cher à l’achat et, à l’exception du quartier Chapelle, dans aucune des 3 villes vous ne pouvez le louer plus cher en proportion du prix d’achat du fait du plafonnement.
D’autre part, sur Paris, il est même probablement possible de louer votre bien d’entrée de gamme plus cher que le loyer de référence minoré, ce qui le rend encore plus rentable. Alors que c’est difficilement le cas si vous êtes au plafond de loyer.
Investir dans le bon secteur géographique…?
Dans le 18ème arrondissement on observe certains écarts de rentabilité significatifs entre nos 2 secteurs géographiques pourtant proches. Ainsi entre les secteurs Chapelle et Grandes Carrières l’écart de rendement peut dépasser un point. Cerise sur le gâteau, vous débourserez de 20 à 40% de moins pour votre 2 pièces.
Il semble donc qu’avec l’encadrement des loyers, il soit plus rentable d’investir dans certains secteurs que dans d’autres.
L’explication (mathématique) est simple (si on peut dire) : alors que le niveau des prix d’achat du secteur Grandes carrières est de 20 à 40% supérieur à celui du secteur Chapelle, les loyers de référence établis par type de logement sont très proches, parfois même identiques, avec un écart maximum de 18%. CQFD !
Difficile cependant d’expliquer pourquoi un tel écart de prix à l’achat ne serait pas visible dans les loyers mesurés sur le marché. Chacun jugera en conscience. Et les choses peuvent évidemment évoluer dans le temps. Mais les faits sont là : pour l’heure, tous les secteurs ne se valent pas forcément.
Investir dans la bonne ville ?
On le voit dans cet exemple, investir à Annecy ou à Nantes offre des rendements nettement supérieurs aux secteurs de Paris étudiés ici. Un rendement locatif brut (entrée de gamme) proche de 6% à Nantes, c’est presque 2 fois celui du secteur parisien de Grandes Carrières.
Il semble donc qu’avec l’encadrement des loyers, il soit plus rentable d’investir dans certaines villes que dans d’autres.
Malgré un écart à l’acquisition de 15 à 30% entre Nantes et Annecy, les 2 villes font jeu égal en profitabilité de location. Acheter moins cher n’explique donc pas à priori l’écart de performance locative. D’où vient donc cette différence ?
En pratique le point commun de ces 2 villes est une fourchette très large dans le prix d’achat au m². L’écart entre l’entrée et le haut de gamme va du simple au triple. Dans le même temps l’écart entre la borne majorée et la borne minorée du loyer de référence est, par construction, égale à 1,7 ( si loyer minoré = 100, loyer de référence = 143 et loyer majoré = 170)
En d’autres termes lorsque l’éventail des prix d’achat est élevé (et supérieur à 1,7), plus il existe théoriquement d’opportunité pour ajuster les loyers des biens d’entrée de gamme vers le loyer minoré (sous réserve que le niveau de loyer reflète la valeur d’acquisition)
Mais n’oubliez pas que vous investissez dans l’immobilier
Un investissement locatif n’est pas un simple investissement financier, et acheter un bien moins cher dans une ville où les prix d’achats sont moins importants qu’à Paris peut sembler plus rentable, mais vous devez tenir compte de plusieurs points importants :
- Les frais d’entretien et de réparation, un appartement d’entrée de gamme peut s’avérer coûteux en travaux,
- Les biens haut-de-gamme ne sont pas forcément à exclure, si votre bien le justifie, vous pouvez demander un complément de loyer pour le louer plus cher. Il reste à voir dans la pratique comment cette disposition pourra être appliquée. Et ce type de bien représente un patrimoine qui garde sa valeur.
- Surtout, si sur Paris vous êtes certain de louer votre bien avec un taux de vacance quasi-nul, vérifiez bien si vous investissez dans une autre agglomération que le quartier ne présente pas de difficultés pour trouver des locataires. Certains investisseurs ont parfois de mauvaises surprises et cela peut énormément baisser le rendement réel du bien. Être en zone tendue ne signifie pas qu’on peut louer facilement n’importe quoi, n’importe où et à n’importe quel prix !
Conclusion
Il semble bien que cet encadrement des loyers diminue sensiblement le rendement locatif des biens haut-de-gamme. Mais il semble aussi que l’application de loyers de référence étroitement bornés puisse ouvrir des opportunités de meilleurs rendements locatifs. Notamment pour les biens d’entrée de gamme, et plus particulièrement dans certains secteurs et villes ou l’encadrement, en niant la diversité des situations particulières, pourrait bien favoriser une hausse des loyers les plus bas.
Dans tous les cas dans la mise en œuvre et la gestion de cette loi s’avère plus délicate que prévue (voir cet article sur les 5 bonnes questions à se poser sur l’encadrement des loyers) , et l’extension de l’encadrement bute encore sur la mise en place des observatoires de loyer. Nous suivrons cela de près et vous tiendrons au courant sur ce blog.
En matière d’investissement locatif, on ne peut que conseiller avant tout de bien vérifier dans quel quartier est situé le bien et combien les locataires sont réellement prêts à mettre pour le louer, avant d’acheter le bien, le taux de vacance étant un critère presque aussi important que le prix du loyer lui-même.
Note méthodologique sur le calcul
Pour les prix d’achat
Ne sont retenus que les chiffres fournis avec un indice de confiance de 5 sur 5
Les prix sont nets vendeur. Pour obtenir le vrai prix d’achat il faudrait donc rajouter la commission d’agence et les frais de notaire….Notre objectif étant seulement de faire des comparaisons, nous avons ignoré ces éléments par soucis de simplification.
Pour les loyers médians
Les loyers médians de référence n’ont été promulgués que pour Paris, et les observatoires officiels peinent à se créer .
En conséquence nous avons approché les données manquante de la façon suivante
- Pour Nantes nous avons utilisé le loyer médian le plus récent disponible auprès de l’observatoire locatif privé CINA-AURAN pour la zone Nantes-Métropole (2015)
- Pour Annecy nous avons utilisé le loyer moyen fourni par CLAMEUR pour la CA Annecy.
Publié le 8 décembre 2016 – Source ma gestion locative